Habiter un voilier.



Gaïa: rêve d’une maison à voiles

Ou comment devenir passionné de bateaux à l’insu de son plein grés.

L'Idée en bref:

C'est acheter à petit prix un vieux voilier en acier, le sauver de la casse en le rénovant, et d'en faire sa maison. sachant au passage qu'une place au port pour un voilier de moins de 10 mètres à La Rochelle coûte moins de la moitié du prix d'un loyer pour un studio en ville.

Mais bien sûr, quitte à habiter sur un voilier, autant mettre les voiles! :-)

La petite graine.

Je crois que la petite graine qui, en germant, devint ce projet un peu fou, s’est plantée dans ma cervelle vers 2013, peut-être 2014. Alors salarié en CDI depuis 2010 dans un magasin de La Rochelle, l’idée légitime de devenir propriétaire de mon propre toit se fait sentir depuis quelques temps, mais les propositions de prêt de ma banque se montrent à peine suffisantes pour s’offrir un box dans un parking souterrain. Cependant, je ne peux me résoudre à payer, le reste de ma vie durant, un loyer. En effet, je sais bien qu’arrivé à la fin de ma vie professionnelle, il ne me sera plus possible de me loger de cette manière.

Ma seule passion est alors la musique, et je sévis successivement sur les scènes ouvertes de slam ou de musique puis dans des groupes de rock locaux à l’existence éphémère. Ma seule proximité avec le nautisme est donc alors, peut-être, liée à celle des studios de la Sirène où mes complices et moi répétons assidûment, avec les quais du port de commerce de La Pallice en toile de fond.

La révélation.

Un reportage, que m’avait alors recommandé une collègue: “We Tiny house people” (les gens aux mini-maisons) a indéniablement joué un rôle dans le déclic. On y découvre, aux USA et en France, des personnes ayant choisi de vivre dans des habitations hors normes et ayant pour point commun l’économie et la simplicité.


Oui mais mes recherches d’un bout de terrain, car il en faut tout de même bien un pour implanter, par exemple, une mini maison en bois, me ramenèrent vite aux réalités de l’entourage de La Rochelle, inaccessible pour un honnête salarié. Aller plus loin? Avec le coût du transport, ça n’était pas davantage pérenne. A nouveau je broyais du noir et poursuivais la recherche de nouvelles pistes.
Ce qui m’amenait à un autre reportage, siglé “Thalassa” et tourné à La Rochelle, qui montrait des bateaux habités toute l’année dans les différents bassins du port de plaisance. Image de graine tombant sur une terre fertile et meuble, musique de Carmina Burana, lumière éblouissante, fondu enchaîné.


Tout s'enchaîne.

Plongée dans un monde inconnu, mais qui d’emblée me passionne. Découverte des bateaux, d’un nouveau vocabulaire, d’une culture. Lectures! Pierre Auboiroux, qui m’amène à Bernard et Françoise  Moitessier et à Gérard Janichon, puis à Joshua Slocum, Jack London.
De nouveaux copains. Des navigations sur les 6,50m des copains.

Joshua.

 Grâce au formidable travail de restauration et d'entretien des passionnés de l'association des "Amis du Musée Maritime de La Rochelle", j'ai eu la chance inouïe de partager quelques navigations sur le mythique voilier de feu Bernard Moitessier. Celui là même qui, en 1968, emmenait Bernard autour du monde dans le cadre de la course historique du Golden Globe. Course au cours de laquelle, franchissant le cap horn, Bernard décide finalement de na pas rentrer en Europe mais de repasser le cap de Bonne Espérance, poursuivant son voyage jusqu'à Tahiti.(1) L'histoire est mythique, le marin aussi.
Pour moi, Joshua devient comme un temple et une porte sacrée vers tout un petit monde qui était resté invisible bien que tout proche. Un monde de marins, de gens qui vivent sur des bateaux en ferraille ou, en tout cas, qui savent “y faire”.



"Noum Bam"




C’est qu’alors, je viens d'acquérir au prix de la taule un Oxion 32 DI, voilier en acier de prés de 10 mètres et dériveur intégral dessiné par Joubert et Nivelt.
C’est alors un gros tas de ferraille rouillée, sur ber, à l’abandon et plein d’eau, aux hublots cassés, et aux aménagements pourris: autant dire une épave.
Alors pourquoi lui?
 L’acier m’est apparu comme une évidence. J’avais en mémoire les aventures d’Auboiroux (2) dans sa baignoire en bois. Le plastique n’est pas un matériaux durable, et pour tout un tas d’autres raisons je l’ai en horreur. L’aluminium? Si j’avais eu les moyens d’acheter une unité en alu, je n’aurais jamais découvert le nautisme et je vivrais dans une maison en bois à énergie positive.
Les volumes de l’Oxion correspondaient exactement à mes attentes, car ils permettent d’avoir un coin “nuit” qui soit un cocon confortable plutôt qu’une inquiétante “couchette cercueil” (... brrrrrrrr!) et un coin “jour” assez spacieux pour recevoir quelques amis. Mais, autre caractéristique qui commençait aussi à m’intéresser, c’est un bateau de voyage au long cours, solide et marin, capable d’atteindre des mouillages interdits aux quillards, voire (mais m’y risquerais-je?) de “beacher”. On ne lit pas impunément Moitessier, Janichon, London et Slocum…
Prêt à naviguer! … vantais éhontément l’annonce sur internet, laquelle n’avait il est vrai, pas été mise à jour depuis les temps immémoriaux où le “Noum Bam” vint se poser sur les bers du dépôt-vente, le puit de dérive plein d'huîtres d’Arcachon de belle taille, alors sans doute encore fraîches.
Outre ses qualités ostréicoles, et non content d’avoir un nom grotesque, le “Noum Bam” semblait avoir été trempé tout entier dans un bain de peinture bleue, si ce n’était une nuance de bleu plus clair sur le pont. L’accastillage n’avait pas échappé aux coups de pinceaux criminels de l’ancien propriétaire.





Deux ans plus tard.

Février 2017:
Gaïa est désormais une coque saine. Repeint des fonds au pont de 6 couches d’epoxy et 2 de laque, gris clair pour la coque, couleur sable, et anti-dérapante pour le pont. Tous les hublots sont neufs. Le pont se regarni de ses éléments d’accastillages restaurés ou neufs. L’intérieur, en grande partie désossé, attend son tour. La cabine arrière, sujet actuel de mes attentions, est en cours de dé-schtroumpfisation (opération consistant à éradiquer la peinture bleue à l’aide de ponceuses, puis de peinture, pas bleue!). Les pinceaux frétillants lorgnent les pots de peintures couleur de sable et de galets tandis que, dans un coin, les panneaux d’isolants, bleus aussi, gênés de leur nudité soudaine attendent de retrouver leurs places respectives derrière le vaigrage en contreplaqué.

Que reste-t’il à faire?

En bref: remettre tous les 8 passe-coques, refaire la plomberie, l’électricité, tous les aménagements (en réutilisant les anciens matériaux, stockés dans un dépôt), remettre le moteur qui doit être révisé entre-temps, le mât qui doit aussi recevoir ses drisses, câbles, capteurs, feux de navigation etc…, traiter l’intérieur de l’épontille de mât ainsi que les tubes d’auto-vidage du cockpit; un coup d’antifouling et, comme on le dit depuis un an avec les copains: “demain, on le met à l’eau!”.


(1): Bernard Moitessier "La longue route", éditions Arthaud1986
(2): Pierre Auboiroux, "Seul sur les océans" - le tour du monde de Néo-Vent de 1964 à 1966; Editions de l'ancre de marine., première édition:1969 (Arthaud-Flammarion)

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